Histoire des théories de la gravitation


gravitation pomme    

L'antiquité

              
Une pierre tombe car c'est dans sa nature de se diriger vers le bas. Cette explication de la gravité, pourtant formulée par Aristote, fait aujourd'hui sourire à cause de son extrême simplicité. Mais c'est en faisant cela oublier la vision du monde cohérente et achevée dans laquelle elle s'insère. La philosophie d'Aristote se démarque en effet très nettement de celle de ces contemporains, adeptes d'une cosmologie dominée par les mathématiques, tels que Platon ou Archimède. A cet Univers fait d' abstractions (Aristote déclarera même : "Laissons les mathématiques, elles n'ont pour objet que des abstractions... à peine traitent-elles de êtres."), Aristote oppose le monde réel des substances, c'est-à-dire des corps en mouvement. Selon lui, les mathématiques sont purement et simplement inutiles, et seule compte l'observation des phénomènes physiques, non leur formalisation symbolique. En observateur passionné, il appuie sa physique sur des évidences : les corps pesants tombent sur Terre, la flamme s'élève vers le ciel. De là germe en lui l'idée que chaque chose possède intrinsèquement une place bien déterminée : le feu en haut, la terre en bas. Car c'est dans leur nature de se mouvoir ainsi. Aristote reprend ici la conception de l'Univers d'Empédocle, à quatre éléments : le feu, la terre, l'eau et l'air, chaque élément ayant sa place dans le monde, son "lieu naturel". Parce qu'ils contiennent l'élément terre, les vivants et les corps inertes ont pour lieu naturel le sol, et ce n'est que sous la contrainte qu'un corps acceptera un mouvement contraire à sa nature (Cela peut paraître simpliste, mais ce raisonnement à le mérite d'être clair et efficace.). Le mouvement forcé ne peut d'ailleurs qu'être passager: dès qu'il le peut, le corps regagne son lieu naturel. La loi de la chute des corps s'en déduit: les corps pesants accélèrent au fur et à mesure qu'ils approchent du but, car ils sont en quelque sorte de plus en plus pressés de retourner à leur état stable.. Ce monde des quatre éléments est porté par la Terre, immobile au centre de l' Univers et autour de laquelle gravitent Soleil, étoiles, planètes, animés d' un mouvement circulaire (le monde ayant été conçu par Dieu, il ne peut qu'être à son image, parfait. Les trajectoires sont donc circulaires, car le cercle est symbole de la pureté et de la perfection chez les Grecs antiques.). Ce système est connu sous le nom de modèle des sphères homocentriques, vraisemblablement dû à Euxode de Cnide, auquel il ajoute la notion de sphères intermédiaires compensatrices, rouages indispensables au bon fonctionnement de l' édifice. C' est ainsi qu'Aristote a construit la première explication de la gravité cohérente, en recherchant les causes ultimes au lieu de vouloir mathématiser le réel.
 
L'époque hellénistique voit ensuite une prolifération importante des systèmes du monde. La plupart des astronomes s'attache en effet à modifier le modèle homocentrique, trop rigide pour rendre compte de la réalité : les observations les plus simples montrent en effet que les planètes ne restent pas à une distance constante de la Terre. Pour interpréter ces observations sans déroger au saint-principe du mouvement circulaire, il faut supposer que le centre des cercles formés par les trajets des planètes peut être mobile et est différent de la Terre, qui n'en demeure pas moins le centre de l'Univers. On parvient ainsi à expliquer le mouvement apparent des planètes, comme les rétrogradations. Pendant tout le Moyen-Âge, l'hypothèse géocentrique de Ptolémée, développée dans ce système appelé système des circulaires et des excentriques, demeure valide, et sa supériorité par rapport aux hypothèses trop rigides de l'homocentrisme est "évidente". Pourtant, déjà, quelques astronomes rejettent l'idée des trajectoires circulaires et proposent le système hépicycloïdal, où les trajectoires des planètes sont des hépicycles s'appuyant sur des cercles qui demeurent centrés sur la Terre.

Malgré tout, dès le III° siècle, l'astronome grec Aristarque de Samos développe les conséquences d'une hypothèse héliocentrique. Il fut d'ailleurs contraint de retirer cette théorie, car celle-ci était accusée de troubler le repos des Dieux (science et religion ont rarement fait bon ménage...).

Copernic


Mais ce n'est qu' en 1543, dans De Revolutionibus orbium coelestium de Copernic, que parait le premier modèle héliocentrique cohérent. A partir du Soleil s'échelonnent ainsi MercureVénus, la Terre, Mars, Jupiter et Saturne (Uranus, Neptune et Pluton ne furent respectivement découvertes qu'en 1781,1846 et 1930) dont les trajectoires sont toujours circulaires. Les réticences opposées à

Kepler


Cette nouvelle théorie de l'héliocentrisme, totalement révolutionnaire, furent bien entendu nombreuses, mais les travaux d'un autre astronome, Képler, allaient en prouver la véracité. Ceux-ci se résument en trois lois, appelées lois de Képler:

  • loi #1: (dite loi des aires) Les planètes décrivent des trajectoires planes autour du Soleil, et les aires balayées par une même planète pendant des temps égaux sont égales. Cette loi implique le fait que les planètes ont une vitesse maximale au point le plus proche du Soleil, et minimale au point le plus éloigné.
  • loi #2: Les trajectoires des planètes sont des ellipses dont le Soleil est un des foyers. Cela veut dire que la distance de la Terre au Soleil n'est pas constante, et à pour conséquence l'existence de saisons: plus la Terre est proche du Soleil, plus elle reçoit de lumière, et donc plus il fait chaud.
  • loi #3: Le carré de la durée de révolution autour du Soleil est proportionnel au cube des grands axes des ellipses. La constante de proportionnalité est la même pour toutes les planètes.
              
Képler établit ici les relations entre les trajectoires, mais ne se préoccupe pas des causes. En ce sens, on ne peut pas encore parler de loi de gravitation, même si c'est un grand pas qui vient d'être fait. Néanmoins, Képler avait pressenti que des actions entre les astres pouvaient être la cause de ces trajectoires si particulières, actions dues à un pouvoir attractif inhérent à la matière.

Galilée       

  
Pendant ce temps, du haut d'une tour à Pise, Galilée laisse tomber des objets de masses différentes. Pourquoi ? Pour prouver qu'Aristote avait tort. Qu'ils soient lourds ou légers, les corps touchent le sol en même temps. Il clamera par la suite que ce philosophe n'avait jamais rien compris à la physique ! Galilée renoue en fait avec Platon et Archimède : de leurs travaux, il garde l'idée d' une physique quantitative, déductive et abstraite. Son but avoué est de mathématiser la physique. C'est en 1604 qu'il formule la loi de la chute des corps, première loi de la physique classique, et qui fera sa célébrité : "Les espaces franchis par le mouvement sont dans la proportion double du temps mis pour les franchir". En plus clair, la distance parcourue est proportionnelle au carré du temps mis pour la parcourir. A cette loi, Galilée ajoute un principe : la chute d' un corps est un mouvement uniformément accéléré (il rejoint ici une théorie... d'Aristote !). Il lui reste à traiter le cas de la résistance de l'air, de la poussée d'Archimède à laquelle est soumis le corps en déplaçant l'air. Galilée montre qu'elle varie proportionnellement à la vitesse (on parle de frottement fluide). Quand elle devient égale aux poids du corps, la vitesse n'augmente plus par effet de compensation : le mouvement est uniforme, et qualifié par Galilée de chute libre, terme encore utilisé. Galilée veut ensuite généraliser ce phénomène : que ce passe-t-il ensuite si le corps n'est ni freiné, ni accéléré ? Le mouvement étant définitivement acquis, la trajectoire demeure rectiligne, le mobile conservant à vitesse constante. Il le montrera à l'aide de plans inclinés, en considérant la chute libre comme un cas extrême où le plan est parfaitement vertical. Ce principe, Galilée l'applique ensuite pour étudier lui aussi des trajectoires. il montre ainsi qu'un corps lancé décrit une trajectoire parabolique, combinaison de deux mouvements : l'un uniforme vers l'avant, l'autre accéléré vers le bas. En mathématisant les trajectoires, il devient facile de prévoir où tombera un corps lancé ou lâché. Grâce à cette réflexion, Galilée valide le schéma de Copernic et fonde les bases d'une physique moderne et de la mécanique céleste. Mais pour prévoir et mathématiser le mouvement des planètes, il faudra attendre 1687, et le Philosophiae naturalibus principia mathematica de Newton.

Newton


La parution en 1687 des Principia Mathematica de Newton fait l'effet d'une bombe dans le milieu scientifique. Il apparaît en effet clairement que Newton vient de résoudre l'énigme de l'Univers. Tout se résume en une loi et une seule, celle de la gravitation universelle, vérifiée aussi bien par les planètes que par un corps tombant sur Terre. La légende, très utopique il faut bien dire, veut que l'origine de cette loi se trouve dans une pomme bien mûre : en la regardant s'écraser sur le sol, Newton aurait eu l'idée de traiter le cas de la Lune comme un cas de chute permanente autour de la Terre ! Cette idée a ensuite suivi un cheminement beaucoup plus rigoureux et logique jusqu'à aboutir à la loi finale.

Le jeune Newton a été nourri aux théories cartésiennes de la mécanique céleste. Descartes affirme que les planètes sont mises en mouvement par de gigantesques tourbillons circulaires qui les transportent. L'espace est alors entièrement rempli d'un fluide suffisamment léger pour ne pas tomber sur les planètes et suffisamment dense pour les soutenir dans leur course. Pourtant, en observant qu'une pierre mise dans une fronde s'échappe dès que l'on lâche une extrémité de l'engin, Newton trouve une faille dans le raisonnement de son maître : pourquoi les planètes ne quittent-elles pas leur trajectoire à la manière d'une pierre de fronde ? L'idée géniale de Newton est de supposer que quelque chose les retient : une force créée par le Soleil. Grâce à une fronde, Newton calcule la force mise en oeuvre par la pierre pour quitter le lanceur, et trouve une force f = v²/r, qu'Huygens appellera plus tard force centrifuge. Ensuite, il ne reste plus à Newton qu'à calculer la vitesse des planètes, ce qu'il fait en utilisant la première loi de Képler, ou loi des aires. Mais on est encore loin de la théorie finale, car cette force est une force qui s'applique si la trajectoire est circulaire, ce qui a été infirmé par Copernic.

En fait, cela constitue un bon départ tout de même car il existe un corps proche de nous qui a une trajectoire circulaire : la Lune ! Newton, en utilisant le mouvement de la Lune donc, et par des analogies avec les corps tombant sur Terre, aboutit à une loi en carré inverse, c'est à dire inversement proportionnelle au carré de la distance: f = k/r², où k est une constante positive qui varie selon les objets. Pour justifier les analogies entre la gravité et la chute libre, Newton introduit un nouveau concept : le principe d'équivalence. Ce principe dit que la masse inertielle (celle responsable de la vitesse de chute libre) est égale à la masse gravitationnelle (celle responsable de la gravité). En ce sens, il reprend une idée de Galilée qui avait énoncé qu'un corps en chute (soumis au champ de pesanteur terrestre, de 9,81 N/kg), était équivalent à un même corps uniformément accéléré avec une accélération de 9,81 m/s².

Newton s'attache ensuite à clarifier cette notion nouvelle de force gravitationnelle : pour cela, il cherche une grandeur pour caractériser les mouvements. Il introduit le produit masse*vitesse, qu'il appelle quantité de mouvement du corps, et, par voie de conséquence, introduit la notion de masse au coeur d'une théorie sur la gravité. Newton est proche du but. Ce qu'il appellera le "principe d'actions réciproque" va lui permettre de conclure. Cette loi, qu'il a trouvé empiriquement, dit que deux corps agissent l'un sur l' autre de manière égale et s'attirent de la même façon. En clair, le Soleil attire autant la Terre que la Terre attire le Soleil. La force exercée est donc une fonction symétrique des masses des deux corps. Dès lors, il n'y a plus 36 possibilités pour Newton : soit elle est fonction de la somme, soit elle est fonction du produit. A l' aide du lance-pierres, il réfute l'hypothèse de la somme. Le secret de la gravitation est désormais percé, et se résume en une seule formule :
F = G m1.m2 / r²

De là se déduisent les lois de Képler. Le succès de cette loi est en grande partie du à sa simplicité, mais également au fait qu'elle s'applique aussi bien aux corps célestes qu'à un corps pesant et terrestre. De plus, Newton ne forge aucune hypothèse particulière, contrairement à ses prédécesseurs (hypothèse du style Dieu existe et a fait le monde à son image, donc la Terre est le centre de l' Univers et les trajectoires des autres astres sont circulaires... comme l'a dit Brahé ou bien d'autres avant).

Pour construire sa théorie, Newton a donc pris le contre-pied de tous ceux qui l'on précédé, et fut l'un des premiers à utiliser avec rigueur l'outil mathématique pour construire son modèle physique, renforçant ainsi l'adéquation entre l'observation et le symbolisme mathématique. C'est pourtant cette loi, acclamée à son époque et jusqu'au début des années 1930, qu'un physicien méconnu, Albert Einstein, critiquera en proposant son propre système, la relativité générale.

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La Relativité générale
Déformation de l'espace temps induite par une masse selon la théorie de la relativité générale

La matière noire
Représentation en 3D d'une distribution de matière noire

La masse des astres
Planètes de différentes masses

Les Trous noirs galactiques
Trou noir central  de la galaxie NGC 1068

Les Trous noirs stellaires
Trou noir entouré d'un disque de matière

 

 

 


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