Asteroïde 253 Mathilde

   
Astéroide Mathilde
Astéroïde Mathilde, photo prise par la sonde NEAR en 1997 - Crédit: NASA

Comment un corps si petit qu’un astéroïde peut-il avoir tant de cratères d’impact et, surtout, pourquoi, après tant de collisions, n’est-il pas cassé depuis longtemps ? fut la première pensée qui frappa l’équipe de la Cornell University lorsqu’elle visionna les 534 photos de Mathilde réalisées le 27 juin 1997 par l’imageur multispectral de la sonde NEAR (Near Earth Asteroid Rendezvous). Déjà la première image, prise à une distance d’environ 1800 kilomètres, montra un cratère de plus de dix kilomètres de profondeur. Le survol de quelque 25 minutes, bien qu’il ne fût programmé qu’à la dernière minute et considéré comme un “surplus” scientifique, fut la première occasion d’apprendre quelques détails sur la structure de cette habitante de la partie extérieure de la ceinture principale. Depuis sa découverte le 12 novembre 1885 par l’Autrichienne Johanna Palisa, on n’avait pas réussi à recevoir beaucoup d’informations sur elle.

L’idée d’examiner Mathilde de près avait plu aux astronomes surtout pour la raison qu’ils la prirent pour un astéroïde plutôt “ordinaire”, donc typique. On savait déjà qu’elle faisait partie des petites planètes du type C, un groupe alors qui contient environ 75 pour cent des astéroïdes connus. De tels corps se distinguent par leur forte absorption du rayonnement ultraviolet et leur richesse extraordinaire de carbone ce qui, dans les télescopes, les fait ressembler à des cailloux très sombres, avec en général un albédo d’à peine cinq pour cent. On pense que la matière dont consistent ces objets ne se serait pas modifiée depuis la création du système solaire il y a 4,5 billions d’années. Leur exploration offrirait donc la clé à la connaissance des premiers jours des planètes et de leur état au début de leur existence. Mathilde, dont le nom fut probablement choisi en honneur de l’épouse de Moritz Loewy, à l’époque vice-directeur à l’observatoire de Paris, a en plus le mérite d’être un des astéroïdes les plus grands - et définitivement le plus grand jamais visité par une sonde - et la première résidente de la ceinture principale à avoir été découverte.

Bien qu’elle appartienne à un type très courant, il y a pourtant un mystère qui entoure Mathilde depuis longtemps : jusqu’à maintenant, personne n’arriva encore à expliquer sa période de rotation étonnamment longue. Avec ses 17,4 jours, elle n’est surpassée que par celles de deux autres astéroïdes, 288 Glauke et 1220 Clocus. Les scientifiques se demandent, si le grand nombre de cratères dont la surface de l’astéroïde est parsemée pouvait expliquer cette allure “paresseuse”...
   
Le survol de juin 1997 confirma effectivement que Mathilde est un des corps les plus obscurs du système solaire. Son albédo se tient à trois pour cent - elle ne reflète donc que trois pour cent des rayons solaires qu’elle reçoit - ce qui, selon les commentaires des chercheurs, fait d’elle un objet deux fois plus sombre qu’un morceau de charbon de bois. Etonné, le responsable de la mission, Joseph Veverka, avoua qu’il savait bien que de tels astéroïdes auraient une surface très foncée - mais non à ce point-là.
   
En ce qui concerne le diamètre de l’astéroïde, les astronomes ne se trompèrent pas de beaucoup. Avec ses 52 kilomètres - quatre fois plus que 951 Gaspra et deux fois plus que 243 Ida, les deux petites planètes déjà visitées par la sonde Galileo - il n’est que de neuf kilomètres plus court qu’attendu. La forme du corps, bien qu’il soit plus rond que Gaspra ou Ida, se montra plus irrégulière que les anciennes images obtenues par les télescopes l’avaient suggéré. Elle est évidemment due au nombre incroyable de cratères dont cinq au moins - tous situés sur le côté illuminé au moment du survol, c’est-à-dire sur environ 60 pour cent de la surface totale - dépassent les 20 kilomètres de diamètre. Le rocher visible à l’intérieur de ces cratères indique que Mathilde ne consiste réellement qu’en une seule espèce de pierre noire dont la composition ne varie nulle part. Cette information - ensemble avec celle sur la couleur plus foncée qu’imaginée - pourrait prouver la théorie selon laquelle la matière de Mathilde, contenant en effet une grande partie de carbone, ne fut encore jamais exposée à l’influence de ce processus qui, un jour, entraîna la formation des planètes et “mélangea” les différents types de rochers et éléments du système solaire primitif.
   
Ce qui pourtant n’explique pas, comment il est possible que le corps, malgré son passé évidemment très “agité”, n’éclata pas encore en d’innombrables morceaux. Il est vrai que les photos de NEAR montrent quelques angles assez tranchants qui font penser à de larges parties de rocher brisées lors d’impacts spécialement violents, mais en principe, l’astéroïde semble avoir gardé sa masse primitive. On pense qu’ici, la densité joue un rôle décisif.
   
La théorie est apparue avec la réflexion que, pour produire des cratères de la profondeur et du diamètre de ceux de Mathilde, les impacts auraient dû être provoqués par des corps d’une masse considérable. De tels impacts, toutefois, n’auraient pas seulement laissé des trous, mais aussi des “traces” supplémentaires en forme d’éjecta, de la matière pulvérisée lors du choc et retombée ensuite, aux abords des cavités. Il est vrai que la quantité de cette matière évacuée au moment de la collision est moins importante sous l’influence d’une gravité moins forte - celle qui règne sur Mathilde ne correspond effectivement qu’à un millième de la gravité terrestre -, mais cela n’explique pas l’extrême “propreté” des abords des cratères. A cette énigme, les astronomes ne proposent qu’une seule solution : Mathilde serait un corps d’une porosité de 50 pour cent ou plus, alors de la densité d’une éponge. Des simulations en laboratoire, où les conditions de gravité sur Mathilde furent imitées à l’aide d’une centrifugeuse, prouvèrent que, avec chaque collision, la matière d’un tel objet deviendrait un peu plus compacte, mais ne se briserait pas. Les modèles de cratères ainsi créés avaient exactement la forme des trous sur Mathilde, avec la même absence d’éjecta et une structure plutôt due à la compression qu’à l’excavation.
   
Reste la question, si cette porosité est aussi commune à d’autres astéroïdes ou si Mathilde n’est qu’un cas unique. Considérée dans le cadre des recherches sur les moyens de “détourner” un astéroïde menaçant d’entrer en collision avec la Terre, cette question gagne une certaine importance. C’est qu’une “éponge” qui plongerait lentement dans l’atmosphère de notre planète causerait certainement des dégâts beaucoup moins graves qu’un “caillou”. Mais lorsqu’elle s’approcherait plus rapidement, susceptible de provoquer un choc important, on aurait du mal à la détourner. Au contraire d’un corps plus solide que l’on peut simplement faire exploser, elle absorberait l’énergie explosive et, au lieu de se briser, elle “rapporterait” cette énergie sur la Terre...
   
La densité faible de Mathilde pourrait tracer un nouveau chemin dans la jungle des hypothèses sur la formation des planètes. Selon les chercheurs, il ne serait pas exclu que le processus d’accrétion auquel les planètes furent probablement soumises aurait été précédé par une sorte de compression de corps très poreux, causée par une longue série de collisions.





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